L'azote est un élément indispensable à l'agriculture, mais il peut entrainer des pollutions

Les enjeux d’une bonne gestion agronomique de l’azote

L’azote (N) est un élément nutritif essentiel à la croissance des cultures. Il entre dans la composition des protéines, dont les enzymes, et dans celle des acides nucléiques, dont l’ADN. En tant que composant de la chlorophylle, il joue un rôle vital dans la photosynthèse. Les plantes s'alimentent majoritairement à partir de l'azote du sol. Seules certaines d’entre elles, principalement les légumineuses, ont la faculté de fixer l'azote de l'air par le biais d’associations avec des bactéries. L'azote peut être présent dans le sol sous forme organique, sa forme majoritaire (détritus végétaux ou animaux en décomposition, animaux du sol, micro-organismes etc.) ou sous forme minérale (nitrate NO3-, ammonium NH4+, ammoniac NH3, urée CO(NH2)). L’activité biologique du sol transforme l'azote d'une forme à une autre. Ces formes de l’azote sont reliées entre elles dans ce qu’on appelle «le cycle de l’azote». C’est principalement sous orme de nitrates que l'azote est assimilé par les plantes.

FIGURE 3 - FLUX D’AZOTE AU SEIN D’UNE PARCELLE AGRICOLE : LE CYCLE DE L’AZOTE

À l’échelle de la parcelle agricole, l’azote contenu dans les cultures est généralement exporté en dehors du champ sous forme de produits végétaux récoltés ou via les animaux (du fait du pâturage) pour être vendu, recyclé ou transformé. Des pertes peuvent également avoir lieu vers l’air et vers l’eau. Ces exportations et pertes d’azote sont majoritairement compensées par des apports d’engrais au champ. Ces engrais peuvent être produits sur l’exploitation agricole (engrais organiques) ou achetés (engrais minéraux et organiques). A l’échelle d’une exploitation agricole, en plus de l’achat d’engrais, la fixation symbiotique de l’azote par les légumineuses, l’alimentation animale non produite sur l’exploitation et la déposition atmosphérique contribuent également à faire entrer de l’azote dans le système.

FIGURE 4 - CIRCULATION DE L'AZOTE DANS LA PRODUCTION AGRICOLE À L’ÉCHELLE DE LA FERME FRANCE EN 2010, EN MILLIONS DE TONNES D'AZOTE (CGDD, 2015*)

Les engrais azotés prennent des formes diverses : engrais minéraux de synthèse, effluents d'élevage apportés par l’homme ou directement par les animaux au pâturage, effluents des industries agro-alimentaires, boues de stations d'épuration urbaines, etc. Selon leur nature, ces engrais sont soit composés exclusivement d’azote minéral, directement assimilable par les plantes, soit contiennent aussi de l’azote organique qui va être transformé en azote minéral par des processus qui prennent de quelques semaines à quelques mois voire quelques années.

La gestion agronomique de l'azote consiste à équilibrer au mieux les besoins des plantes cultivées et les différentes fournitures d'azote dont elles peuvent bénéficier au cours des différentes phases de leur développement. Un déficit en azote peut amoindrir la fertilité du sol et les rendements, voire la qualité du produit (par exemple, une teneur en protéine minimum est nécessaire pour que la farine de blé soit panifiable). À l’opposé, un excédent d’azote au-delà des besoins immédiats des cultures est d’une part source d’inefficacité économique mais également potentiellement à l’origine de fuites vers les eaux.

En effet, le nitrate NO3- est très soluble dans l’eau et peut donc être entraîné dans les eaux de surface et dans les eaux souterraines (c’est le phénomène de «lixiviation», plus communément appelé lessivage). Lorsque le nitrate est entraîné au-delà de la profondeur d’enracinement, il est perdu pour la plante. Ce phénomène se produit essentiellement en automne/hiver, saison qui connaît des épisodes pluvieux importants et où le prélèvement par les plantes est faible. Lorsque des excès de nitrates sont présents dans le sol à la fin de la période de croissance d'une culture, cet azote peut alors être entraîné en profondeur lors d’épisodes pluvieux et rejoindre les nappes souterraines et les cours d'eau.

Quelles sont les teneurs en nitrates des eaux en France ?

Les nitrates figurent parmi les polluants les plus problématiques des eaux souterraines. En 2017, plus de 60% de ces eaux dépassent le seuil de la présence naturelle des nitrates dan les nappes et 13% de ces eaux dépassent la limite de 50 mg/L en 2018 – 2019. Leur présence n'est pas répartie de façon homogène sur le territoire, mais concerne plus particulièrement le Centre-Nord-Ouest, le centre de l'Occitanie, la Camargue et la plaine d'Alsace.

FIGURE 5 - CARTE DES CONCENTRATIONS MOYENNES ANNUELLES EN NITRATES DANS LES EAUX SOUTERRAINES (OFB, 2020)


En 2018-2019, 81% des eaux de surface ont une concentration moyenne inférieure à 25mg/L de nitrates sur l’année. Les teneurs plus élevées sont rencontrées principalement dans le Nord-Ouest du pays.

FIGURE 6 - CARTE DES CONCENTRATIONS MOYENNES ANNUELLES EN NITRATES DES EAUX DE SURFACE (OFB, 2020) 

Bilan de la mise en œuvre de la directive nitrates en France (publication consultable sur le site https://rapportage.eaufrance.fr/node/158)
Cartes élaborées par l’OFB à partir de données MTE et agences de l’eau.


Quelles sont les conséquences environnementales et sanitaires des excès d’émissions d’azote ?

Conséquences sur la production d’eau potable

Pour fabriquer de l’eau potable à partir d’une ressource en eau, celle-ci ne doit en aucun cas dépasser 100mg/L en nitrates pour les eaux souterraines et 50mg/L pour les eaux de surface. Les eaux souterraines brutes doivent être diluées si leur teneur en nitrates est comprise entre 50 et 100mg/L. En France, la très grande majorité de l’eau potable provient des eaux souterraines. La pollution de ces eaux a donc un impact direct sur l’utilisation de cette ressource pour en faire de l’eau potable.

Par ailleurs, lorsque les teneurs en nitrates sont trop élevées, il devient nécessaire de traiter les eaux pour les rendre potables (par exemple, traitement de dénitrification) ou d’interconnecter les captages entre eux, ce qui a un coût très élevé pour le producteur mais également pour tous les consommateurs qui paient ces traitements via leurs factures.

FIGURE 7 - NOMBRE DE CAPTAGES DESTINÉS À L’ALIMENTATION EN EAU POTABLE ABANDONNÉS POUR CAUSE DE POLLUTION (MTES/SDES, 2019)

En France, en 2017, 99% de la population a été alimentée par une eau conforme en permanence vis-à-vis des nitrates. Ce pourcentage est en amélioration constante depuis 2013. 280unités de distribution présentent des non-conformités, situées dans 38 départements. 0,6% de la population a été alimentée par une eau non conforme au moins 1 fois (410000habitants).

Conséquences sur les écosystèmes aquatiques : le phénomène d’eutrophisation

Lorsque les nutriments azote et phosphore sont présents en trop grande quantité dans les eaux de surface, continentales ou marines, un phénomène appelé «eutrophisation» peut survenir, en fonction de différents facteurs comme la température ou l’éclairage. Ce phénomène conduit à une prolifération végétale (des algues notamment qui se nourrissent des nitrates présents dans l’eau), puis lorsque ces végétaux meurent et se dégradent, à un manque d’oxygène dans l’eau. Cela est préjudiciable à toute la biodiversité présente dans les eaux.

Ce phénomène peut avoir lieu dans les lacs, les cours d’eau et sur le littoral. Si le phosphore est l’élément limitant sur terre, c’est l’azote qui est le facteur de contrôle de la croissance des algues dans les milieux littoraux et marins.

Sur le littoral, la prolifération massive d’algues vertes est une manifestation de l’eutrophisation du milieu, due à un excès de nutriments, notamment l’azote via les nitrates. L’échouage de ces algues vertes est communément appelé «marée verte». Ces «marées vertes» se produisent en particulier dans des baies en pente douce, relativement fermées.

Avec la transformation de l'agriculture française au XXème siècle induisant une augmentation importante des concentrations en azote de l’eau et donc des flux d’azote à la mer, ces phénomènes sont devenus plus fréquents depuis les années 70. Pour lutter contre l’eutrophisation, il est donc nécessaire de réduire les concentrations en nitrates de l’eau et donc les pertes azotées depuis les bassins versants.

L’eutrophisation des eaux a de multiples conséquences.

→ Conséquences sanitaires : la putréfaction des algues entraine des risques dès qu’elles sont amoncelées en tas et/ou qu’une croute se forme sous l’effet du soleil. Au bout de 24 à 48h, la fermentation conduit à un gaz toxique (H2S) pour l’homme et l’animal ; il est donc nécessaire de les ramasser pour protéger le public et les usagers.

→ Conséquences économiques : au-delà des coûts de ramassage, la présence de marées vertes peut être dissuasive pour le tourisme, mais également nuire aux activités de pêche et d’aquaculture (par exemple, par le colmatage des poches à huitres, engluement des moules sur bouchot)

Photo sur l'eutrophisation

Conséquences sur la pollution de l’air : les émissions d’ammoniac NH3

L'ammoniac est un polluant atmosphérique. C’est un précurseur de particules fines : des particules fines se forment lorsque l’ammoniac se recombine avec d’autres polluants atmosphériques issus d’autres secteurs (transport, industrie).

L’ammoniac de l’air est presque exclusivement d’origine agricole en France : 94% des émissions nationales en 2017 sont issues de sources agricoles. Selon le dernier inventaire national, les émissions d’ammoniac ont diminué de 1% entre 2005 et 2018.

Ces émissions ont lieu par volatilisation. Elles sont liées à l’épandage d’engrais minéraux et organiques (voir figure 3), aux déjections au champ, et à la gestion des déjections animales au bâtiment et au stockage. La volatilisation lors des épandages dépend du type d’engrais utilisé (certains engrais étant plus émissifs que d’autres) et d’autres facteurs tels que le mode d'épandage, la période d'apport, les conditions climatiques, le type de sols et d’autres caractéristiques physico-chimiques des matières utilisées. La couverture des équipements de stockage des déjections et l’enfouissement rapide des engrais, organiques ou minéraux, après épandage, pratique en développement, diminuent les pertes par volatilisation.

Conséquences sur le climat : les émissions de protoxyde d’azote N2O

Le protoxyde d’azote est l’un des trois principaux gaz à effet de serre avec le méthane et le dioxyde de carbone. L'agriculture contribue très fortement aux émissions nationales de protoxyde d’azote (89% en 2018) même si les émissions agricoles ont eu tendance à baisser sur toute la période 1990-2018 (-3,5 MtCO2e soit -9%). Ces émissions sont principalement liées aux processus biologiques de transformation de l'azote d'une forme à l'autre par les bactéries présentes dans le sol et dans les déjections animales. Elles sont donc très liées à la fertilisation azotée, minérale comme organique.

Pour en savoir +

• La pollution de l’eau douce par les nitrates :
https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/risques-nuisances-pollutions/pollution-de-l-eau-douce/nitrates-orthophosphates/

• Les nitrates dans l’eau potable :
https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/eaux/eau#Les-nitrates-dans-l-eau-du-robinet

• L’eutrophisation et les algues vertes :

- L’eutrophisation du milieu marin :
https://www.milieumarinfrance.fr/Nos-rubriques/Etat-du-milieu/Eutrophisation

- Les conditions de l’eutrophisation des cours d’eau (infographie) :
https://ree.developpement-durable.gouv.fr/donnees-et-ressources/ressources/infographies/article/les-conditions-de-l-eutrophisation-des-cours-d-eau

- Les algues vertes en Bretagne :
https://www.algues-vertes.com/

- Expertise scientifique collective sur l’eutrophisation :
https://inee.cnrs.fr/fr/restitution-de-lesco-eutrophisation

Back to top